Une place, devant une gendarmerie. Le camion. Les gens tendent leur bon de commande au chauffeur-vendeur, p'tit jeune 25-30 ans. Il demande aux clients qui n' ont pas indiqué leurs coordonnées de le faire, ils s' exécutent. En arrive un qui refuse, il n' a pas envie de recevoir des pubs en plus de toutes celles qui inondent déjà les boîtes aux lettres, ils ne voit pas de raison de fournir ses coordonnées à cette entreprise. Le chauffeur- vendeur insiste. Le client précise que la loi le lui interdit. Alors le chauffeur-vendeur se butte et se met à affirmer qu' au contraire la loi l' y oblige, que ce sont même les gendarmes qui le lui ont dit ! Plus le client insiste, plus l' autre s' enferme dans son aberration avec cet air sûr de lui et supérieur que savent si bien prendre certains quand ils savent qu' ils ont tort et ont trop insisté pour pouvoir reculer. Le client n' a pas que çà à faire. Il récupère donc son bon et inscrit un faux nom et une adresse bidon, il est servi, au suivant. Et puis, en montant dans sa camionnette, il se ravise. Si tout le monde baisse toujours la tête et donne soit ses coordonnées soit des fausses, ce genre de pratique abusive va persister indéfiniment. On est devant la gendarmerie, il y entre en repassant devant le camion, tout le monde le voit faire. L' officier présent lui confirme que le chauffeur-vendeur a une pratique abusive et qu' il ne faut pas y céder. Il revient vers le camion et annonce à l' entêté et aux autres clients que les gendarmes confirment ses dires, ce qui déclenche chez le jeune vendeur un discours sur l' incompétence des gendarmes. Le client pourrait retourner à la gendarmerie et revenir avec un gendarme, mais après tout il a sa marchandise, il a informé les autres et il a assez perdu de temps comme çà, il part.
Et les autres, pendant tout ce temps ? Et bien les autres, qui sont une bonne vingtaine, de tous âges, du début à la fin, ils ne pipent mot ! Ils sont sagement alignés à la queue-leu-leu comme si quelqu' un leur en avait donné l' ordre, ils regardent leurs pieds ou dans le vide. Passifs, résignés, soumis ? ...
Sylvain COSTET