En plus du bourrage de crâne diffusé par les médias, chacun peut en ce moment trouver dans sa boîte aux lettres un dépliant sur la réforme des retraites, « décoré » d’ un choix de portraits politiquement correct.
Seulement ce dépliant ment.
Dès le premier volet se trouve illustrée la technique sarkozyste bien connue qui consiste à raconter une histoire/écran de fumée pour agir à l’ inverse. « Sauver notre système par répartition » alors qu’ il s’ agit de le détruire, ainsi que tout notre système social. Parano ? Non : Denis Kessler (ex n° 2 du MEDEF) a vendu la mèche (magazine Challenges , 4 oct 2007):
«
Les annonces successives des différentes réformes peuvent donner une impression de patchwork. À y regarder de plus près, on constate qu’ il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C’ est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Il s’ agit aujourd’ hui de défaire méthodiquement le programme du Conseil National de la Résistance ! » On ne peut pas être plus clair !
Argument indispensable pour faire avaler la fable du sauvetage, la fin du déficit pour 2018, illustrée par un schéma sommaire. Mais là encore , c’ est faux . De nombreux experts le démontrent, mais reprenons simplement les arguments des sénateurs centristes , qui ne sont pas vraiment de dangereux bolchéviks : l’ équilibre promis est lié à des prévisions trop optimistes , celles du chômage sont très minorées et celles de croissance très majorées , il faudra trouver des financements ailleurs. Charles de Courson précise : le scénario gouvernemental repose sur une hypothèse de croissance « à 2,5 % pendant 10 ans quand l’ Europe la prévoit autour de 1,5 % qui est la moyenne des 10 années avant la crise. » Le gouvernement lui-même, avant l’ épisode de la réforme des retraites, prévoyait une croissance à 1,7 % !
« Grâce à la réforme, le niveau des pensions est maintenu ». Encore faux ! D’ abord par l’ effet du début de la réforme des retraites, la fameuse loi Balladur de 93 aggravée par la loi Fillon de 2003, qui entraîne une chute du niveau en modifiant le calcul du niveau de la pension par rapport au salaire. Ensuite le développement des études et la massification du chômage réduisent les carrières, qui durent actuellement 38 ans en moyenne, ce qui fait que peu de salariés pourront cotiser 42 ans et bénéficier d‘ une retraite pleine. Ce sont les carrières déjà les plus fragiles qui sont encore plus frappées , le plus souvent les femmes ayant occupé des postes partiels et les moins qualifiés.
Quand au « maintien du pouvoir d’ achat » , c’ est bien sûr sur la base de l’ inflation officielle. Pas besoin de faire un dessin, chacun constate tous les jours depuis longtemps quel rapport elle a avec l’ inflation réelle.
« La pénibilité » : le volet 4 est un sommet de cynisme . Pour bénéficier des 2 « avantages » cités, il faudra être déjà invalide au moment de partir en retraite, c’ est-à-dire ne jamais bénéficier, comme les autres, d’ un temps de retraite en bonne santé ! De plus, on ne parle que de pénibilité physique, donc ressentie, or elle ne l’ est pas toujours. Respirer des fibres d’ amiante n’ est pas pénible mais produira les effets que l’ on sait à retardement, ce qui n’ est pas pris en compte. Enfin on privilégie une approche individuelle au coup par coup ; pas de règle claire, donc peu de moyens de faire valoir ses droits ou de se défendre contre les abus. Et surtout, çà évite d’ être obligé de revoir le mode d’ organisation du travail qui est à la source du problème.
« Carrières longues » : le volet 5 nous explique froidement que ceux qui ont commencé à 14 ou 16 ans, en plus d’ avoir souvent exercé des métiers pénibles, devront cotiser 44 ans, contre 41 pour les autres ! Triple peine !
Pour « la retraite des femmes », le volet 6 met en valeur 2 mesurettes, dont l’ une est provisoire, et fait pudiquement l’ impasse sur le fait que ce sont les femmes qui sont le plus pénalisées par la réforme. Seules 44 % ont une carrière complète et l’ écart de salaire avec les hommes est de 27 %. On prétend que les entreprises seront obligées de le réduire, mais on ne sait pas quand puisqu’ il n’ y a pas de loi à ce sujet, et quand on connaît le peu d’ empressement de ce gouvernement à exercer des contraintes sur les entreprises …
Le volet 7 rappelle des dispositions déjà existantes pour les faire passer pour des conséquences de la réforme. On peut se demander si les retraités pauvres doivent relever de l’ assistance.
Le minimum vieillesse est de 708 € par mois, alors que le seuil de pauvreté est à 949 €.
Comme le dit bien le dernier volet, la régression n’ est pas valable que pour le secteur privé. Le secteur public qui a longtemps servi de modèle pour tirer le système vers le haut est maintenant aligné vers le bas au secteur privé.
Sylvain COSTET